Un pacte avec le Diable : Duvalon
Les récits foisonnent à Bessans et ses alentours car à 3 kilomètres du village on trouve l’histoire de Duvalon. Ce dernier vécut au XVIIIe siècle, à côté de la chapelle Saint Maurice dans le hameau aujourd’hui abandonné de la Chalp, au pied du col de la Madeleine.
Un jour alors qu’il s’activait à ses tâches hebdomadaires, Duvalon s’était bien trop attardé à au village de Bessans, mais le froid de l’hiver était déjà là et il n’était pas bon de rentrer tard. Il tomba maintes fois dans la neige et s’y enfonçait jusqu’au genou, le chemin lui était trop long et trop dur. Ne lui vint-il pas l’idée d’invoquer le Diable !
Ah ! Que c’est long ! N’y aurait-il pas que le Diable pour me sortir de ce mauvais pas ?
Alors une ombre surgit entre les flocons, c’était un homme d’une grande taille et à la voix très grave :
Tu m’as demandé assistance et je suis venu, moi Cambradin ! Si tu le souhaites, tu seras chez toi auprès de ta femme en moins de temps qu’il ne faut pour le dire ; mais je peux faire plus, si tu le désires tu accèderas à tous les honneurs ; tu auras aussi la fortune et tout autre de tes désirs se réalisera pendant cinquante ans jour pour jour. Une seule condition en échange : tu m’appartiendras au bout de ce temps.
Duvalon hésita mais la tentation le rongeait et il accepta rapidement. Il signa alors le pacte avec son propre sang sur un parchemin que Cambradin avait préparé. Avant de prendre congé, ce dernier se tourna vers Duvalon et lui expliqua qu’il aurait parfois besoin de lui à l’avenir surtout la nuit. Puis il s’évanouit parmi les éclairs et un grand bruit de tonnerre… Apeuré, Duvalon avait fermé les yeux et c’était protégé de ses mains, ce n’est qu'en les rouvrant qu’il réalisa se trouver devant chez lui.
Il continua alors sa petite vie dans son hameau où tout lui réussissait, et toutes les tâches de la vie quotidienne lui étaient particulièrement simples. Puis Louis XV le réclama pour le service militaire. Mais cela ne plaisait guère à Duvalon et il s’en rendit bien compte après avoir été tiré d’un mauvais pas lors de la répression d’une énième révolte contre la gabelle (l’impôt sur le sel) par Cambradin. Il voulut donc rentrer chez lui !
Un matin d’exercice au camp militaire, il regarda son capitaine et lui proposa un pari complètement fou :
Si je franchis le portique à cheval, que seriez-vous prêt à m’accorder ?
C’est impossible ! J’y parierai votre congé !
Bien parlé, je prends le pari !
Une fois de plus, Duvalon fit appel à Cambradin : « Cambradin… Cambradin… Cambradin ! », puis il choisit son cheval, lui piqua violemment le ventre avec ses éperons. Celui-ci prit de la vitesse et d’un bond incroyable passa au dessus du portique sans même le heurter. Le capitaine, abasourdi, tint toutefois sa parole et libéra Duvalon de ses obligations en lui donnant sa prime d’engagement.
Il rentra à son hameau de Chalp et y épousa Annette qu’il aimait d’un amour fou. Mais quelques mois plus tard, par une froide nuit d’hiver, la lointaine voix de Cambradin résonna au dehors : « Duvalon… Duvalon… Duvalon… Il faut partir ! ». Duvalon ne pouvait se soustraire à cette autorité et il suivit le diable. Au bout de quelques pas, il vit Cambradin se transformer lentement en un hideux loup et lui-même se sentit bien étrange avant de se rendre compte que lui aussi s’était transformé. Ils passèrent ensuite la nuit à hurler et terroriser les voyageurs égarés sur les chemins… Duvalon ne reprit forme humaine qu’au petit matin et revint discrètement se coucher.
Petit à petit, les appels diaboliques se firent de plus en plus fréquents, mais jamais en présence d’Annette. Sauf qu’un jour elle finit par les entendre et sortit à la place de son aimé, quelle ne fut pas sa surprise de tomber nez à nez avec le monstrueux animal ! Elle sentit ses jambes l’abandonner quand celui-ci se mit à parler :
Ce n’est pas toi que je suis venu chercher mais ton mari, ramène-le moi, il est sous mes ordres par contrat.
Que nenni, se reprit Annette, il est mien par l’acte sacré du mariage !
Ton mariage ne vaut rien et tu n’en as aucune preuve.
Si ! J’ai celle-ci…
D’un geste vif, elle frappa du poing où trônait son anneau de mariage le museau de la bête. Cambradin en tomba à la renverse et regarda l’anneau avec horreur, il déguerpit ensuite aussi vite qu’il le put en glissant sur la neige.
Quelle nuit que celle où elle apprit toute l’histoire de la bouche de son mari… Toutefois celui-ci se pensait alors libre de son engagement grâce à l’acte de courage de sa femme. Celle-ci, méfiante, se refusait toutefois de s’éloigner de son Duvalon, elle le tenait le plus souvent possible par la main et ne quittait jamais son anneau. Elle eut bien raison car un mois plus tard Cambradin se présenta de nouveau et refusa de fléchir, il était là pour repartir avec l’âme de Duvalon ! Annette négocia toute la nuit, insistant sur la sacralité de son contrat. Elle finit part obtenir un délai de 13 jours et n’en obtiendrai pas d’autre.
Le couple parti alors sans tardez en direction de l'Abbaye des pères capucins de Novalaise, de l’autre côté du Mont-Cenis. Mais les pères, après avoir écouté toute l’histoire, leur affirmèrent que seul le Saint-Père pourrait avoir la solution qu’ils recherchaient. Alors ils se mirent en route pour Rome, le chemin fut rude mais ils n’arrêtèrent jamais de prier. C’est peu avant Noël que leurs efforts payèrent, le calvaire n’était pas fini car voir le Pape ne fut pas une mince affaire non plus…
Ce n'est que mi-décembre qu’ils eurent cette chance et le Saint-Père leur annonça :
Ils ne leur restaient que 7 jours avant Noël pour réfléchir à un plan. Mais Duvalon eut rapidement une idée qu’il se refusa de partager avec ça femme car elle était bien risquée. Alors qu’Annette se lamentait de perdre bientôt son aimé, Duvalon prétexta prendre l’air pour appeler le Diable :
Cambradin… Cambradin… Cambradin ! Honore ton contrat, donne-moi je cheval le plus rapide que tu aies !
Un grand est beau cheval gris se présenta à la porte, Duvalon le regarda sceptique :
Quelle est ta vitesse ?
Je galope aussi vite que le vent.
Ce n’est pas toi que j’ai demandé.
Le cheval gris s’en fut et un fière Alezan se présenta :
Quelle est ta vitesse ?
Je vais aussi vite que la lumière.
Tu n’es pas celui que j’ai demandé.
Alors l’Alezan s’en fut aussi et un grand étalon noir se présenta à son tour :
Quelle est ta vitesse ?
Je cours aussi vite que la pensé.
Eh bien voici celui que je désirais. Mène-moi à la porte de Saint-Pierre –de-Rome.
Et à peine monté, Duvalon fut transporté devant la porte de la cathédrale. Il couru à l’intérieur, ordonnant au cheval de l’attendre et assista à toute la messe. Jouant sur le décalage horaire, il se fit porter à Notre-Dame-de-Paris et arriva à temps pour le début de l’hospice. Il en fit de même pour Londres et, à la sortie, il utilisa une dernière fois le cheval pour rentrer chez lui au hameau de Chalp. Alors, quand Cambradin se présenta à lui, ce fut Duvalon qui lui demanda de lui remettre le contrat. À l’ouverture de ce dernier, ils eurent la surprise de constater que la signature faite du sang de Duvalon s’était effacée pour laisser place au sceau du Saint-Père. Cambradin fut horrifier par cette vue et le parchemin lui brula les doigts. Il fit une horrible grimace, à la fois de peur et de rage avant de s’enfuir dans un tourbillon de neige.
Ainsi Duvalon fut libéré de son pacte et il vécut encore de nombreuses années au côté de sa brave Annette au hameau de Chalp. Ils ne partagèrent ce secret qu’avec quelques amis proches mais au furent et à mesure des générations l’histoire finit par ce transmettre jusqu’à nous.