La Célébration du Cargo au Vanuatu
Sur l’île de Tanna, le 15 février est la fête religieuse la plus importante de l’île. On y célèbre le prophète John Frum qui eu la vision du Cargo et le culte du Prince Philipp.
Période : tous les 15 février
Événement : parade, danses et autres célébrations
Lieu : l'île de Tanna au Vanuatu
Cette croyance est propre à l’île de Tanna dans l’archipel du Vanuatu, car pour le reste du pays c’est le christianisme qui domine, notamment le protestantisme, et considère ce culte comme douteux.
Le culte du Cargo
Cette croyance débuta avec l’arrivée des Européens en Mélanésie et imprégna grandement les populations locales (hors Nouvelle-Calédonie). En effet, face à la profusion de vivre et de biens matériels ou technologiques que les Occidentaux faisait apporter sur place, les indigènes, alors encore ignorant des méthodes de production extérieures, ne voyaient que les cargos remplis de biens débarquer de nul part. Rapidement, ils associèrent ces navires à une faveur divine et lui associèrent une dieu ainsi qu'un mythe raconté par un « chef de cargo », c'est-à-dire un chef de culte . Relativement souple dans leur croyance, les fidèles s’échinaient à copier les Européens dans leurs habitudes. Un des exemples courant est celui des fleurs coupées que les Occidentaux usent comme décoration et que les indigènes prirent pour un rituel magique. Par extension, ils se mirent à penser que la destruction des récoltes amènera les faveurs divines. Une idée qui fut conforté par le fait que pour endiguer les famines, les Occidentaux faisaient porter des vivres. Le phénomène fut tel que des émissaires étaient envoyés comme observateurs de ses mouvements de population. En revanche, si le Cargo ne venait pas, ils réinterprétaient le mythe pensant qu’ils n’avaient pas su respecter le bon déroulement des rituels religieux demandés par le dieu.
Ce type de fluctuation est toutefois compréhensible au vu des religions ancestrales de Mélanésie composé de mythes étiologiques expliquant ainsi les incompréhensions de l’époque. Si dans certaines îles, le mythe du Cargo facilita le travail des missionnaires chrétiens à leur arrivée après les premiers découvreurs, les indigènes pensant montrer la voie à suivre au Cargo par leurs prières et découvrir le secret des Européens se convertirent. Mais nombreux furent ceux déçus par ce nouveau culte qui ne leur apporta pas les mêmes bénéfices qu’aux Occidentaux et s’en détournèrent clamant que seul les vertus de la religion traditionnelle pourraient faire venir le Cargo. Les missionnaires mirent alors en place une très forte et monstrueuse répression qui finit de convaincre les indigènes : les religieux désiraient garder le Cargo pour eux seuls. Le mythe du Cargo se développa dès lors surtout dans les régions de conflits entre colons et indigènes et n’évolua pas forcément toujours dans le bon sens surtout lors de la colonisation pendant l’entre-deux guerres. Certains types de cultes finirent même par donner les nouveaux venus pour responsables de catastrophes naturelles puisque les indigènes se sentirent frustrés par ces personnes qui réquisitionnés leurs terres sans aucune contre-parti. Il se dit alors que les marins en partance du mystifié port de Sydney rayaient le nom des indigènes pour y mettre celui des compagnies coloniales et parfois même détournaient tout le navire pour leur propre compte.
L'une des clés pour comprendre la frustration des indigènes, il faut savoir que plus l'on possède de biens et de terres plus notre position dans la communauté Mélanésienne est élevée, qui plus est, la colonisation ne s'est pas fait en douceur non plus mais pour mieux connaitre la situation nous vous renvoyons à la bibliographie proposé en bas de page.
L’avènement de John Frum
Le culte du Cargo s’est développé sur une large zone géographique ponctuée de lieux relativement isolés, c’est pourquoi les pratiques et rituels furent particulièrement variées dans toute la Mélanésie. Toutefois c’est à Tanna que le culte connu un renouveau et une longévité exceptionnelle grâce à John Frum, pseudonyme d’un homme dont l'identité et encore discutée aujourd'hui et qui se déclara être la réincarnation du dieu Kerapenmun associé au Mont Tukosmeru vénéré par la population. Il fit son apparition en 1938 et se mit à soigner des gens à l’aide d’une seringue vide dont il ne se servit pas réellement pas et disparu. Une fois la rumeur répandu sur l’île, l’homme réapparait dans une veste militaire et commence un long discours dans la langue locale, où il annonce la guerre du Pacifique avec l’arrivée de l’armée américaine, puis le départ des Blancs, et la réunification des îles une fois ces derniers chassés, une fois la culture occidentale rejetée et le retour des coutumes ancestrales, monts et merveilles arriveront par Cargo pour les indigènes.
La première partie de réalise avec la Seconde Guerre Mondiale et l’arrivée de G.I.’s, ce qui pousse les autochtones refuser la culture Occidentale et à dépenser tous leur argent et refuser d’être salarié des Européens en avril 1941. En mai, ils désertent les églises se qui implique une très forte répression par les colons (village brûlé, emprisonnement, interdictions, etc.) qui durera 17 ans. Le mythe du Cargo quand à lui évolue avec les pistes d’atterrissage construites par les Étasuniens pour réapprovisionner leurs soldats. En effet, par une simple communication radio, des avions atterrissaient remplis de biens et de nourriture. Puis, en 1946 sans trop d’explication pour les locaux , les Étasuniens partent en abandonnant sur place des rations, des outils, des dollars, leurs pistes d’aviation et même des habitations particulièrement bien adaptées au climat tropical. Pour la première fois, le Cargo était arrivé à disposition des autochtones comme l'avait annoncé la prophétie de John Frum et les USA devinrent mythiques. Les indigènes se mettent alors à entretenir les pistes et débutent la construction en bois d'autres pistes d’atterrissage, tours de contrôle et avions. Là-dessus, la population se mit alors reproduire par mimétisme les exercices militaires armés de fusils en bois espérant revoir venir les avions cargos sur leur île.
John Frum incarne alors le prophète figure d’esprit anti-colonisation et anti-missionnaires, une bataille qui dura jusqu’en 1980 avec l’indépendance du Vanuatu.
Si le culte pris une tournure politique plus que religieuse dans toute la Mélanésie, il existe encore des communautés sur l’île de Tanna qui vivent selon les principes du culte établie par John Frum, c’est-à-dire sans argent avec des tâches communautaires réparties à travers la population. Un office est célébré tous les vendredis soirs, dans chaque village et ses alentours où l'on se réunit pour chanter la gloire de leur Messie sur les principes des messes chrétiennes. Les lieux de cultes sont signalés par de grandes croix de bois peintes en rouge (comme les croix des ambulances sur les camions de l’armée) et entourées de clôtures. À domicile, les adeptes affichent sur leur maison des photographies de divers types de bateaux à moteur. Mais c’est le 15 février qu’est célébrée la fête religieuse la plus importante de l’île : le jour du prophète John Frum.
Aujourd’hui, il ne s’agit plus de repousser complètement les Occidentaux car au contraire, les Tannais ont pris goût aux défilés et autres cérémonies de l’armée étasunienne. Celle-ci les ayant clairement impressionnés, d’autant plus que John Frum s’est déclaré Américain et serai arrivé lui-aussi par bateau, certains indigènes se sont alors laissés enrôlés pour mieux connaitre leurs pratiques.
Invitation au Voyage
Aller sur place :
-
Un lien vers l'office du tourisme du Vanuatu ICI en attendant de vous trouvez de meilleurs offre
-
Peter Lawrence, Les Cultes du cargo, éditions Fayard, 1974
-
Marc Tabani, Une pirogue pour le Paradis. Le culte de John Frum à Tanna (Vanuatu), Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 2008
-
Joël BONNEMAISON, La dernière île, Arléa éditions, 1986
-
Sur Internet :
Le culte du Prince Philip, un « dérivé » du culte de John Frum
En 1985, dans sa thèse, Joël Bonnemaison, spécialiste de l'Océanie, explique qu’il voit dans ce culte une dérive du culte de John Frum qui s’est développé au Sud-Ouest de l’île de Tanna, dans les villages de Yaohnanen et Ikunala. On y vénère le prince Philip, duc d’Edimbourg, époux de la reine Élisabeth II du Royaume-Uni et aussi l’un des esprits jaillis du volcan Yasur, le dieu noir de Tanna, Karapanenum. Toujours d’après Joël Bonnemaison, le dieu se serait faufilé sur un bateau de l’U.S. Army déguisé en blanc lors de leur départ après la WW II. Il aurait ensuite participé à une compétition en 1947, comportant une large série d’épreuves imposée par la reine d’Angleterre alors en recherche d’un épou. Ainsi positionné, le dieu pouvait subtiliser les biens des Occidentaux pour les envoyer à son peuple.
Mais en 2010, Kirk Huffman, anthropologue, explique qu’il existe aujourd'hui plusieurs versions du mythe où le dieu Karapanenum incarné dans John Frum aurait pris ensuite l’apparence du prince. Il y a aussi la possibilité que deux esprits soient sortis du volcan Yasur, un dieu noir qui donna naissance aux Tannais et un dieu blanc ancêtre de la race blanche. Quoiqu’il en soit, lors d’une visite fin octobre 1974, l’un des villageois reconnu en prince Philip, alors vêtu de son uniforme blanc, ce dieu parti depuis si longtemps. Il ne s’agit alors plus d’une attente de faveur divine comme dans le culte du cargo, mais une venu messianique car le dieu rendra possible la suite de la prophétie de John Frum où les plants germeront de partout sans aucun travail, les vieux redeviendront jeunes, ou encore signera la fin des maladies et de la mort. On attend alors aujourd'hui son retour patiemment grâce aux échanges de cadeaux avec la famille royale d’Angleterre commencés en 1978, lorsque le prince appris l’existence du culte et s'étalant jusqu’à aujourd’hui. En effet, en septembre 1978, le duc d’Edimbourg envoya quelques pipes et une photo dédicacée au chef Kalpapung du village Yaohnanen, en retour, ce dernier fit porter un nalnal (un outil traditionnel pour tuer les cochons) espérant une nouvelle photo en retour, ce que Buckingham exauça, et ainsi de suite. Ceci alla jusqu’à l’invitation officielle de 5 membres du village d’Ikunala au palais en 2007 par l’entremise de Channel 4 et son émission de télé-réalité, Meet the Natives.
Les festivités annuelles
Après ces explications sur le culte, nous pouvons ainsi parler du cœur du sujet avec les célébrations.
C’est depuis 1978 que, tous les 15 février, se déroule le « jour de John Frum » au village de Lamakara sur l’île de Tanna, lieu de naissance du mouvement John Frum. Après de longs préparatifs, c’est au petit matin du 15 février que le chef de village peut enfin revêtir sa veste de l’armée US, offert par un soldat étasunien il y a longtemps, un symbole de pouvoir et de richesses. Au côté des chefs du culte, il présidera les différents événements de la journée qui commence le levé de drapeau, étasunien bien sûr, et c’est sous ce dernier que défile la Tanna Army aux couleurs des États-Unis et de la Croix Rouge. Vêtus uniquement d’un pantalon en jean, ils peignent les lettres USA en rouge sur leur torse avant de suivre un parcours défini pied-nus et armés de leur fusil de bois. La mimétique des défilés de l’armée étasuniennes se doit d’être parfaite pour attirer de nouveau les faveurs du Cargo.
Ce n'est qu'après que débuteront les autres festivités comme les danses traditionnelles de la tribu. Ici on pourra aussi apercevoir des croix noires pour ceux qui prônent la doctrine du retour aux sources traditionnelles réclamées par John Frum. Les femmes sont parfaitement admissent aux festivités et y participent pleinement mais parées des couleurs du drapeau du Vanuatu. Ensuite on mange, et on boit le kawa, une plante cérémonielle de l’ancien culte dont on tire une boisson alcoolisée. On prend aussi soin des pistes d’atterrissage et des tours de contrôle de bois et on envoie des messages au dieu du culte pour demander la venue du Cargo.
Selon le mythe c'est un 15 février que John Frum se réincarnera de nouveau en humain et apportera avec lui les richesses du Cargo, à condition évidement de bien respecter les rituels religieux.
Les festivités liées à John Frum n’ont jamais gagné leurs galons touristiques et ne les auront sans doute jamais. Pourtant la récente naissance de ce culte ainsi que ses dérivés sont d’une grande richesse anthropologique, social et politique mais surtout pour les mythologues. C’est pourquoi il est peut être un incontournable pour tous ceux qui s’intéressent aux croyances tel que nous.