top of page

La fête de l'Ours de la Vallée de Vallespir

 

L’une des fêtes rituelles à voir en Catalogne c’est bien la Fête l’Ours qui à lieu tous les ans en février dans les villages de Prat-de-Mollo, Arles-sur-Tech et Saint-Laurent-de-Cerdans.

 

 

Les ours de Prats-de-Mollo by © Robert Bosch

Période : première quinzaine de février

Événement : festivités carnavalesques lié au rituel de l'ours

Lieu : vallée de Vallespir, Catalogne, Sud France

Les plus anciennes traces de cette pratique remontent au début du Moyen Âge, mais nombreuses sont les études en mythologie comparée qui montrent une origine beaucoup plus ancienne et tendent vers une symbolique chamanique mondiale. Les trois Fêtes de l'ours sont toutes liées à un seul mythe, celui de Jean de l'ours mais sont toutefois traitées différemment selon les villes concernées. Autant dire que cet article sera quelque plus long qu'à la normal car il nous faut d'abord vous présenter la légende de Jean de l'ours, puis nous décriront les festivités pour chacune des trois villes avant de nous livrer à une analyse anthropologique et enfin les références pour aller plus loin habituelles.

Le mythe de Jean de l'ours

 

C’est un mythe connu sur des terres s’étendant de l’Europe Occidentale aux confins de l’Asie Orientale, en passant par les terres d’Afrique du Nord et quelques tributs d’Amérique du Nord. Il accrédite un contexte culturel commun des peuples chamaniques de ses régions, antérieur au christianisme. Autant dire qu’il existe donc une quantité faramineuse de versions à travers le monde et les époques. L'histoire est resté la légende la plus populaire de la mythologie Pyrénéenne et elle à vu son importance grandir au fur et à mesure que l’ours disparaissait des montagnes environnantes.

Voici un rapide résumé de la version Occitane :

Une jeune fille fut enlevée en lisière de forêt par un ours qui la maintint prisonnière dans une caverne obstruée par une grosse pierre. Toutefois, il la nourrit convenablement et la traita comme une reine puis, un an plus tard lors de la nuit de la Saint-Jean, elle lui donna un fils qu’elle appela Jean. Il était particulièrement velu et extrêmement puissant. Grâce à lui, ils purent s’échapper de la grotte et des griffes de l’ours et retrouver le soleil. Mais Jean était bien trop sauvage pour vivre au village et sa force failli en tuer plus d’un. Jean de l’ours parti donc à l’aventure et fut rejoint par trois compagnons, des géants tout aussi forts que lui. Il se munit aussi, grâce à un apprentissage comme forgeron, d’une redoutable canne de fer que seul lui pouvait porter. Après maintes aventures, arriva le jour où il fallu sauver des princesses. Après une bataille collective rondement menée à la surface, la quête se poursuivit dans l’autre-monde, dont l’entrée est souvent symbolisée par un puits sans fond. Seul Jean de l’ours a le courage de descendre assisté de cordages maintenus par ses compères. Il terrasse de nombreux monstres avant de libérer les princesses puis se voit ensuite trahi par ses amis les géants qui l’abandonnent au fond du puits car ils ne souhaitent pas partager le butin. Grâce à une sorcière transformée en aigle Jean pu finalement sortir du puits et prendre sa revanche. Il choisit la plus belle des princesses qu’il épousa et revint victorieux et riche à sa mère.

Fête de l'ours, Arles-Sur-Tech © F. GORREE
Description des festivités pour chaque villages

Si chacune des fêtes de l’ours est issue de traditions ancestrales, il ne faut pas oublié qu’elles ont toutes subies les aléas du temps et du tourisme. Même si les bases sont restées solides, on peut noter certaines évolutions comme des dates qui se rapprochent plus des vacances scolaires ou bien de nouveaux personnages comme les Figueretes qui donnent une part plus importante aux femmes dans les festivités, etc.

Arles sur Tech

La première fête commence à Arles-sur-Tech au week-end le plus proche du 2 février, la date référence du réveil de l’ours à travers toute l’Europe. Le samedi sera marqué de divers activités, préambules à la grande chasse à l’ours du lendemain. On y verra les cérémonies versions enfantines (où l'on retrouve les traditions oubliés chez les adultes comme les cloches à la taille des Bótes), des orchestres et autres animations de rue. La ville se met dans une ambiance festive jusqu’au soir avec la Veillée des Chasseurs et la danse du Tio-tio (« le feu aux fesses ») où les danseurs ramènent de l’Autre-Monde le feu et les âmes (une autre symbolique que possède l’ours qui sort de sa caverne).

Les rituels liés à l’antique Fête de l’ours ne se jouent réellement qu’à partir du dimanche matin et s’ouvre par l'Esmorzar (« Petit Déjeuner des chasseurs »). C’est à ce moment convivial qu'arrivent deux des personnages principaux de la journée : on habille les deux hommes qui joueront le Trappeur et sa femme, Roseta, l’appât. Il leur faut alors former une équipe de Chasseurs qui leur viendra en aide, ainsi commence en musique La Trobda dels Caçaires de la Roseta et du Trappeur (« L’Appel du Trappeur » en Français). Le couple parcourt la ville dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, s’arrêtant sur chaque place pour avertir la foule de la terrible menace d’un ours, encourageant les Chasseurs à se joindre à lui. La tournée se finit par un grand banquet alors que la place principale, où la veille fut érigée la tanière de l’ours, a été soigneusement évitée.

Alors que le Trappeur et sa Roseta ont soigneusement divertit la foule, un autre rituel beaucoup plus intimiste se déroule : l’habillage de l’Ours. En plus des vêtements, c’est un énorme masque (aujourd'hui un casque de moto) qui avale la tête de l'acteur. Il a un design identique depuis plus de 100 ans (26 grandes dents de bois, très large et très haut, etc.). Cette métamorphose de l’homme en ours se passe toujours à la lisière de la forêt au pied de la montagne sur la rive du Tech opposée au village. Puis « l’animal » attendra caché celle qui en bout de cortège viendra l’aguicher, Roseta. En effet, une fois franchi le pont sur le Tech, celle-ci s’éloigne de la foule pour attiser les ardeurs de l’Ours. Celui-ci se jettera aussi bien sur elle que sur les autres femmes de l’assemblé jusqu’à ce que le Trappeurs et ses acolytes, au prix d’une importante bataille, enchaîne l’animal et le traîne jusqu’en ville après un passage symbolique par le pont du Tech. Arrivée en ville le cortège est rejoint par de nouveaux personnages :
- Les Tortugues (« tortues ») : personnages, au nombre de 4, entièrement blanc de la tête au pied et entourés d’une structure transportable, blanche elle-aussi. En main, ils ont un court bâton muni d’une petite poupée (les Patotes) leur servant à détourner l'Ours de ses proies.
- Les Bótes (« tonneau ») : personnages, au nombre de 9, qui ont beaucoup évolué dans leur costume. Ils restent pourtant toujours les souffre-douleurs de l’ours. Si auparavant ils revêtaient leur tête d’une grande jarre de terre cuite censé exploser sous les coups de l’Ours, ils sont aujourd’hui revêtus d’un tonneau en plastique, décoré avec du genêt et un visage peint des deux côtés.

Invitation au Voyage

Aller sur place :

  • Le site touristique du Sud Canigó ICI où vous trouverez les adresses pour vous restaurer et vous héberger, ainsi que les moyens de transports, visites guidées et autres activités.

Surfer et se documenter :

  • Le document Les fêtes de l’Ours du Haut-Vallespir du Ministère de la Culture (description détaillée)

  • Le rituel de l’ours des Pyrénées aux steppes écrit par Dominique Pauvert (Google Scholar)

  • Symboles du Moyen Age : Animaux, végétaux, couleurs, objets et Bestiaires du Moyen Âge de Michel Pastoureau

  • Les articles de Jean Clottes sur le chamanisme de l'époque préhistorique

  • Reportage Enquête d'ailleurs - Catalogne, la fête de l'ours. ICI

 

Faire et se faire plaisir :

  • Un livre jeunesse : Jean de l'ours de Louis Espinassous au éditions Cairn

À partir de là, se jouera la même scène de places en places et, bien sûr, toujours dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Triomphant et exhibant son Ours enchaîné, le Trappeur clame son récit de chasse où, victorieux, il a su mater l’animal sauvage. Derrière lui, les musiciens entonnent le fameux Air de l’ours (commun à toute la vallée) et l’Ours à force de se débattre s’échappe dans les rues de la ville agressant toutes les femmes sur son chemin et renversant brutalement les Tortugues qui cherchent à l’attirer avec les poupées ! Arrivée sur la place suivante, l’animal aperçoit alors les Bótes sur lesquels il se rue sauvagement avant d’attraper la Roseta. Là, le Trappeurs le rejoint et de nouveau, les deux personnages se livrent bataille jusqu’à ce que l’Ours retrouve ses liens. Ce n’est qu’une fois arrivé sur la place principale que le manège prend une autre tournure, bien plus longue. Cette fois ci, l’Ours enlève une des jeunes filles et s’enferme avec elle au font de sa tanière (où les mouvement de feuilles simule l'acte sexuel). Plusieurs minutes s’écoulent avant que la jeune fille ne

Archive de la Fête de l'ours, Arles-Sur-Tech

puisse s’échapper tandis que l’Ours se lance à sa poursuite. À ce moment, un seul et unique coup de feu retenti et l’animal s’effondre… a priori mort. Les chasseurs trainent alors l’animal jusqu’à une chaise où ils l’assoient avant de lui enrouler une serviette autour du cou ainsi qu’un plateau à barbe. La Roseta s’avance une pomme à la main, un blaireau symbolique, et le Trappeur se muni d’une très grande hache avec laquelle il rase l’animal à grand coup, on y voit par ailleurs plus une décapitation qu’un rasage. C’est ainsi que débute la Danse du Rasage qui se finalise lorsque le Trappeur retire le masque de l’Ours laissant apparaitre l’homme sous l’animal. C’est le début de la légende de Jean de l’Ours, son père mort, il ne reste que Jean mi-ours mi-homme.

C’est l’association de danse folklorique L’Alegria, créée en 1957, qui se charge de l’organisation de la fête avec le Comité des fêtes de la ville d’Arles-sur-Tech. Ce sont eux qui examine les candidatures pour l’Ours selon les conditions imposées (hommes arlésiens de moins de 30 ans et en bonne condition physique). Les rôles du Trappeurs et de la Roseta sont tenus par des membres de l’association de par leur compétence en danse et leur jeu d’acteur.

Vidéo d'archive ICI.

Saint-Laurent-de-Cerdans

La grande chasse à l’ours de Saint-Laurent-de-Cerdans vient clôturer 3 jours de festivités carnavalesques et est assez similaire à celle d’Arles-sur-Tech, avec toutefois des différences majeurs comme l’absence de toute cérémonie matinale. On notera aussi que deux Ours participent aux festivités car l'original est remplacé par un autre en milieu d’après-midi. Depuis plusieurs dizaines d’années maintenant, leur costume d’ours est d’ailleurs composé de véritables peaux d’ours canadiens, abandonnant celui en peau de chèvre d'alors. Toutefois, l’habillage de l’Ours a gardé tout son rituel et n’est, là encore, accessible qu’aux initiés. Il se passe en début d’après-midi, de nouveau à la lisière de la forêt au pied de la montagne quoique la symbolique va plus loin ici car les préparatifs se font plus loin que le Sanctuaire de Notre-Dame-de-la-sort, protectrice de la ville et donc hors du monde civilisé (actuellement, pour des raisons pratiques, l’habillage se fait en ville dans un sous-sol mais la cachette d’où surgit l’animal reste par delà l'église). C’est une passation entre un homme d’âge mûr et un autre plus jeune, ce dernier assis sur une chaise voit son visage entièrement maquillé de noir par son aîné, l’on ne doit alors plus distinguer la couleur de sa peau et donc son humanité.

Fête de l'ours, Saint-Laurent-de-Cerdans (c) Robert BOSCH

À côté de lui on habille aussi la Monaca avec son double : un corps de chiffon la traversant (l’avant du corps attaché à la taille et les jambes pendent à l’arrière) et a le même masque inexpressif que son porteur en guise de visage. Si les Chasseurs attrapent toujours l’Ours, c’est un Meneur d’ours qui cette fois le traine et l’exhibe (notons l’absence de la Roseta) avant qu’il ne s’échappe. La Monaca elle s’échine surtout à aller à l’inverse de tout le monde et distribuer ainsi des coups de jambes et de bras sans aucune distinction.

D’autres personnages viennent pimenter l’action :

  • Les Escalfadors : un couple constitué d’un vieux et d’une vieille qui portent chacun une chaufferette de lit dans lequel ils font brûler du poil de cochon et qu’ils font passer à l’aide d’un long bâton sous les jupes des dames.

  • El nen petit (« le petit enfant ») : un groupe de jeune gens qui attrape les jeunes filles et les jettent dans une brouette dans laquelle un homme est déguisé en bébé. Ils secouent ensuite la brouette pour simuler l’acte sexuel puis relâche les demoiselles après leur avoir fait manger du boudin noir et boire du muscat.

  • Les Butifarrons : vêtus entièrement de blanc et le visage blanchi d’eau farinée s’attaquent eux aussi aux femmes. Ils traversent la foule avec un pot de chambre rempli de boudin trempé au muscat et en barbouille leurs victimes.

  • Les Figueretes : dont on parlait ci-dessus barbouillent depuis quelques années les hommes avec des figues trempées de muscat et défient sans cesse les Butifarron dans d’épiques batailles. Ces personnages sont repris de personnages du siècle dernier délaissé, celui du Pêcheur.

Fête de l'ours, Saint-Laurent-de-Cerdans © Robert BOSCH
Fête de l'ours, Saint-Laurent-de-Cerdans, La Monaca © Robert BOSCH

Si la version d’Arles-sur-Tech parait être plus théâtralisé, la fête de Saint-Laurent-de-Cerdans se permet d'être la plus innovante et permissive avec les enrichissements apportés aux festivités grâce à un côté très communautaire (la foule est encore dans ses accoutrement de carnaval de la veille) et aucun circuit n’est établi. Le rasage se finit d’ailleurs par un bal ouvert par l’Ours et sa compagne que les Chasseurs sont partis chercher dans la foule.

Depuis 2004, il existe un comité carnavalesque qui vote les décisions et tire au sort les futurs Ours. Les autres groupes de personnages sont fréquemment joués par les mêmes groupes d’amis d'année en année et la Monaca est une histoire de famille, de père en fils depuis déjà 5 générations.

Vidéo d'archives ICI

Prats-de-Mollo-la-Preste

À Prats-de-Mollo,  la Fête de l’ours est assez différente de celle des deux autres villes de la vallée. Tout d'abord, les festivités s'ouvre pour 4 jours avec l’arrivée du Géant du Carnaval puis le dimanche, le dernier jour de Carnaval, à lieu la Chasse à l’ours suivie pour finir de la danse du Tio-tio clôturée par l’immolation par le feu du Géant.

El Dia dels Óssos (« Le Jour de l’ours ») est toujours un dimanche et commence par un Esmozar : les Barbiers s’invitent chez eux les uns les autres tandis que les Ours et les Chasseurs se retrouvent dans les brasseries de la ville pour un petit-déjeuner convivial. Ce n’est que plus tard sur un air de contrapàs (une ronde d'homme ouverte) que les acteurs de la journée se mêlent une première fois à la foule, la danse couvrant toute la place. Les protagonistes partent alors se préparer et cette fois ce sont les Barbiers, des hommes d’âge mûr, qui s’éclipsent dans les cafés pour se mettre en tenu et attendre l’arrivée des Ours en fin d’après-midi. Les Ours, de jeunes hommes, et leurs Chasseurs partent au Fort Lagarde dominant la ville pour un barbecue et à partir de 13 h 30, les futurs ours, toujours dans la citadelle, sont habillés. Autrefois seuls quelques proches étaient admis mais maintenant beaucoup de gens y assistent dont les musiciens traditionnels qui suivront les Ours toute la journée sur l'Air de l'ours.
Le rituel de l’habillement n’a pas tellement changé, les trois Ours sont habillés de peaux de moutons assemblées et cousues à même leur corps et le premier ours une fois habillé commence l’échauffement. Il défie un chasseur en lui lançant son bâton et après un échange, l’Ours se rue sur lui et le plaque au sol, la foule entame aussitôt l’Air de l’Ours et huent les futurs animaux la provocation prend et la tension monte. Les Ours finissent leur transformation grâce à un mélange d’huile et de suie, ils enduisent d’abord leur bâton, puis les bras et toutes autres partie de leur corps encore visible et finissent par le visage. Un cri profond et roque imitant le grognement de l’ours marque alors la fin de la transformation et sous les acclamations de la foule, les compères se rassemble sur leur lieu de départ où ils dominent alors la ville. La foule fuit et s’amasse en contrebas pour les narguer en

Fête de l'ours, Saint-Laurent-de-Cerdans, La Monaca © Robert BOSCH
Fête de l'ours, Saint-Laurent-de-Cerdans, La Monaca © Robert BOSCH
Fête de l'ours, Prats-de-Mollo © Inconnu

chanson, les Ours grogne, menace avec leur bâtons et aux trois coups de fusil s’éparpille pour mieux attaquer.

La course a commencé et les Ours se ruent sur les jeunes filles et aussi les hommes pour les mâchurer. Si auparavant Ours et Chasseurs se battaient, il en est bien autrement aujourd’hui où ils forment un parfait binôme. Les jeunes femmes de la foule sont désignées à l’animal par son complice et après un placage au sol la victime finira le visage entièrement mâchuré. Lorsque qu’un homme lui est désigné, l’homme est honoré d’un échange de bâton avant de se voir plaqué au sol par l’Ours et le visage noirci. Symbole de bonne fortune et de fertilité, la trace noire est symbole d’une bonne année à venir et chaque victime de l’Ours est sonnée par un coup de fusil chargé à blanc.

Alors que la course touche à sa fin et se dirige vers la place principale, les Barbiers habillés et peint en blanc défilent au son de l’Air des Barbiers dans les rues en 3 groupes de 3, un pour chaque Ours. Le Meneur de chaque groupe porte une hache qu’il « aiguise » sur les pavés tandis qu’un autre tient un pot de chambre rempli de muscat (la mousse à raser) et un boudin entier (le blaireau). Lorsqu’ils se rencontrent sur la grand place une grande bataille commence entre les Barbiers auxquels se joignent les Chasseurs face au Ours . Il faut alors maîtriser ces derniers qui ne souhaitent que s’échapper pour mâchurer plus de monde. Dans une violence maîtrisée les ours sont traînés et rassemblés sur des chaises au centre de la place, l’Air de l’ours n’est plus et l’on entend plus que celui des Barbiers. On symbolise alors le rasage avec le boudin trempé dans le vin et la hache en guise de rasoir, les peaux de chèvre sont jetées dans la foule et les protagonistes tous humains de nouveau entame une nouvelle ronde où l’on fête ces héros civilisateurs. 
Le Carnaval se clôture par un dernier bal à la fin duquel fait irruption dans la salle un

Fête de l'ours, Prats-de-Mollo © Inconnu
Fête de l'ours, Prats-de-Mollo ©Robert Bosch

groupe de personnes. Ils sont vêtus de chemises et bonnets de nuit blancs ainsi une queue de papier,dans leur main, ils portent une bougie allumée. Ils auront auparavant traversé tout le village et au milieu de la foule, ils entament la dernière danse celle du Tio Tio. C’est une danse qui se pratique en rond dans le sens contraire des aiguilles d’une montre et durant laquelle chaque danseur doit allumer la mèche de papier à l’arrière du danseur qui le précède. Alors que le feu a envahit la salle, quatre porteurs emportent l’effigie du Carnaval pour un dernier tour du village avant de l’immoler sur la place public au milieu de la foule qui scandent des chants d’adieux.

 

Les festivités de l’ours sont organisées depuis 2004 par une Commission « Ours », ils sont les gardiens du déroulement de la chasse selon les règles définies et aussi du choix des Ours. Pour candidater, il faut être un homme résident de la ville, avoir plus de 18 ans et avoir été au moins une fois chasseur auparavant, en plus d’être un membre actif de la vie locale. En général, le comité reprend 2 anciens Ours et un nouveau, les autres candidats seront les Chasseurs. Le rôle honorifique de Barbier est en revanche un club très fermé car il est composé d’anciens Ours ou Chasseurs récurant.

La Fête de l’ours pourtant bien implantée dans la ville à failli disparaitre en même temps que celle de Saint-Laurent au cours des années 1960. À cette époque, le rôle des Ours est encore tenu par des marginaux payés 3 francs 6 sous et elle était encore d’une violence réelle lors des batailles. Les filles cherchaient alors par-dessus tout à éviter le contact de l’Ours et se cachaient dans les maisons d’où il fallait les déloger. Mais dès les années 1980, et le succès d’un documentaire tourné sur les festivités, les touristes affluèrent et l’Ours gagna en prestige. Sa sélection fut plus stricte même si c’est à cette même époque que l’on rajouta un 3e Ours pour compenser avec la foule de plus en plus nombreuse.

Résumé de recherches
 
L’Air de l’ours

 

Nous n’avons pas trouvé grand-chose sur l’Air de l’ours car il ne semble pas encore avoir intéressé les chercheurs et les musicologues. Comme pour la fête, on ne sait rien de la date de sa création mais il est identique pour toutes les Fête de l'ours de la vallée et est uniquement jouer par des instruments traditionnels de la région. On retrouve ainsi dans l’orchestre des instruments à vent et des tambours représentant désormais dans l’imaginaire collectif le dandinement de l’ours. Pourtant cette musique à elle aussi a puissé toute une symbolique car on l’entendra jouer uniquement lors de la Fête de l’ours où, qui plus est, elle est répétée en boucle et ce sans aucune variation. Ainsi on pourrait penser que ce motif musical inchangé marquerai le pouvoir immuable de l’ours qui agit toujours de la même façon et avec la même force sur tout le monde jusqu’à l’intervention du rasage (événement qui a son propre thème musical, lui aussi commun aux trois villes). Mais le manque de donnés nous pousse à rester dans l’hypothèse.

Fête de l'ours, Prats-de-Mollo ©Robert Bosch
L’ours, un symbole tutélaire

 

Jusqu’au Moyen Âge inclue, l’ours était le roi des animaux, le redoutable prédateur. Il fut symbole en autre de puissance mais aussi de fertilité car à son sortir d’hibernation, il indiquait le début du printemps et de la renaissance. C’est pourquoi le 2 février à l'époque païenne (l’Église reprit cette date importante pour la Chandeleur), date alors officiel du retour du printemps, a été appelé dans ces régions Le Chant de l’Ours et marque depuis toujours le début du Carnaval. Mais le choix de l’ours est bien plus profond que cela, du point de vu de l’anthropologie culturelle en plus d’avoir partagé le même habitat pendant des siècles, l’ours est très proche de l’homme au niveau biologique. Il y a donc depuis très longtemps et dans de nombreuses cultures notamment chamaniques une fluidité dans le passage de l'homme à l’ours, symbolisé entre autre par la mondialisation du mythe de Jean de l’Ours. La Fête de l’ours n’est pas seulement un rituel de figuration, ni d’imitation mais répète ici un antique rituel de passage de l’homme à l’animal et de l’animal à l’homme d’où les costumes décrit ci-dessous.ces derniers cachent et enveloppe complétement les silhouettes humaines de ceux qui les animent. En effet, les différents costumes cherchent réellement à masquer et annihilé la forme humaine des acteurs aussi bien par le noir qui donne un côté sauvage mais aussi de par la dimension des masques ou chapeaux.Le but est de les faire basculer entièrement dans « l’animalité » et donc acquérir le pouvoir de fécondité de l'ours.

D’autres Carnavals s’appuyant sur le thème de l’ours existent même si la plupart sont moins marqués. On y garde toutefois le pouvoir et la symbolique de l’ours : sa relation étroite avec l’homme et son pouvoir de fécondité.
Quelques exemples : Ituren Zubieta en Navarre (2 ours cornus apparaissent en Carnaval et même si ils sont retenus par leur montreur, ils se jettent sur toutes les femmes), à Briscous (où l’ours possède 3 paires de cornes), à Salcedo (où des personnages masqués enlèvent des jeunes filles qu’ils offrent à un ours), Bielsa (où les ours sont doublés par les Tangas au visage noirci et au crane orné de cornes de boucs), etc.

Mais la vallée de Vallespir semble être le seul lieu en Occident à avoir transmis le rituel dans toute sa complexité grâce à des siècles de fêtes annuelles.

bottom of page