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Bun Bungfai, des fusées pour Phaya Thaen

 

L’Isan, une région de la Thaïlande, et le nord du Laos sont des régions agricoles relativement pauvres. Mais tous les ans, leur population économise pour s’acheter une fusée et implorer le dieu de la pluie Phaya Thaen de leur accorder pluies et bonnes récoltes. Elles seront lancées pendant un festival qui s’étalant sur 3 mois mais qui bat son plein à différentes périodes selon les régions.

 

 

Parade du Bun Bungfai © Pleamir

Période : annuel, entre avril et juin selon les régions
Événement : festivités religieuses où les artificiers cherchent à faire la plus belle des prouesses
Lieu : province d’Isan en Thaïlande et au nord du Laos

En thaï le Bun Bungfai s’écrit ประเพณีบุญบั้งไฟ, et ບຸນບັ້ງໄຟ en laotien.
Boun comme tham boun, faire une offrande ;
Bung du nom du récipient de l’offrande ;
Faï qui désigne le moment où l'offrande est projetée par le feu dans le ciel.

L'Histoire du festival

 

Basé sur des croyances du peuple Lao (une ethnie divisée par la frontière entre la Thaïlande du Nord et le Laos), on pense aujourd’hui que la cérémonie proviendrait de rites de fécondités pré-bouddhistes célébrant l’arrivée des pluies. Ces célébrations seraient bien plus anciennes que la création de la poudre noire, au IXe siècle. Mais l’arrivée de cette dernière aurait permis aux messages et aux offrandes de parvenir plus rapidement aux esprits et aurait été rapidement appréciée par la population. Des cérémonies similaires ayant pour but d’apporter le feu le plus haut possible existent sous plusieurs formes dans de nombreuses ethnies de la région. Les migrations de ces dernières nous ramènent à des sources préhistoriques au Yunnan, il y a 5 000 ans.

Les fusées quant à elles seraient une offrande (prière ou marque de respect) au dieu de la pluie Phaya Thaen, et la trainé de vapeur laissée par la rocket est d’ailleurs un des critères les plus importants. Ce rituel s’est par la suite adapté à la pensée bouddhique dominante du pays, les participants utilisant alors cette occasion pour rehausser leur prestige social (comme dans toutes les fêtes bouddhiques traditionnelles en Asie du Sud-est). Pourtant, les moines restent lors de cette fête, et y sont des badauds comme les autres.

La cérémonie se déroule vers le 6e mois lunaire, il marque la fin de la saison sèche et le début des semailles avant la saison des pluies. C’est donc aussi le moment des dernières grandes fêtes avant les durs labeurs dans les rizières, c’est surement pour cette raison que, quelque soit la région, le Bun Bang Fai est bien plus élaboré dans les villages que dans les villes. Dans ces contrés où l’on considère que le monde des humains, celui des dieux et celui du dessous sont liés, on considère qu’un rituel de Bun Bungfai abandonné ou mal organisé peut vous priver de pluie pour la saison ou à l’inverse provoquer des averses torrentielles. Dans tous les cas, cela serait catastrophique pour le village en question.  

On note toutefois que les fusées prennent un côté de plus en plus profane car elles font maintenant l’objet de compétitions privées basées sur des paris illégaux (mais à cette période, les autorités ferment les yeux) et deviennent avant tout tirées avec un esprit de pur plaisir plus que par religiosité.

Mural Bun Bungfai © PawyiLee
La Fabrication des fusées

Les concourants sont jugé en fonction de plusieurs critères : la distance parcourue, la beauté du trait et la quantité de vapeur laissée sur le trajet, et parfois l’effet pyrotechnique.

Ce sont les villages et aujourd’hui plus spécifiquement les particuliers qui assument la charge financière de leur fabrication. Mais cette dernière n’est assurée que par des artificiers professionnels bien que dans certains petits villages isolés leur construction est encore communautaire.

Le cylindre qui contient la poudre à canon mesure généralement entre 1,5 et 7 mètres. Auparavant composé de bambou martelé, on ne trouve désormais plus que des tubes en PVC à la fois pour des raisons de sécurité et aussi pour une meilleure efficacité. On y compresse la poudre noire à travers laquelle on passe le détonateur. À l’aide d’une corde, on lie à la queue de la fusée des propulseurs (eux aussi à base de poudre noire) qu’il faut parfaitement équilibrer car ils servent de gouvernail pour la fusée. Un élément d’autant plus important que celles-ci atteignent une taille entre 8 et 12 mètre de long.

Il y a 4 catégories principales de fusées définies selon leur taille et leur prix : les plus petites sont appelées Noi, viennent ensuite les Meun, puis les Saen et enfin, les plus large avec 120 kg de poudre noire à l’intérieure, les Lan. Les Bang Fai Lan, de part leur longueur et leurs charges, sont les plus chers mais aussi les plus dangereuses. Elles restent assez compliquées à diriger et leur trajectoire se compte en dizaines de kilomètres, c’est pourquoi certains tentent parfois de les munir de parachutes.

Pendant que les artificiers travaillent, les bénévoles nettoient leur village et commencent les décorations pour les chars et les costumes. Les enfants, qui apprennent à danser dès leur plus jeune âge, commencent les répétitions en vu de la grande parade. Ils danseront à côté des Bangfai Ko, des chars surmontés d’une grande fusée richement décorée(1) mais qui ne peut pas voler, c’est l’un des moments les plus incontournables de la fête. Il y a encore une trentaine d’année, le cortège servait à récolter de l’argent pour acheté la poudre noire par le village. C’était alors les villageois qui tous ensemble fabriquaient et assemblaient les fusées. Mais leur dangerosité accentuée par le nombre de morts et de blessés, on finalement convaincu les autorités de ne laisser faire que les professionnels.

 

  1. Symbolique des décorations, quelques exemples parmi la dizaine recensée :
    ลายบั้งไฟ ou les Feu de Plai : la décoration la plus répandue pour les fusées. C’est un mélange entre des papiers rouges et ors découpés faisant ressortir un motif de flamme
    ตัวบั้งไฟ ou celui des Boules de feu : utilisé après la naissance d’un enfant ou pour en avoir un, c’est un motif porteur de message aux dieux
    ตัวพระนาง ou Sa Majesté : motif issu des personnages du Ramayana

Invitation au Voyage

Aller sur place :

  • En voiture
    Au départ de Bangkok, prenez l’autoroute n°1 jusqu’à Saraburi, puis l’autoroute n°2 jusqu’à Ban Phai. Suivez ensuite la route n°23 jusqu’à Yasothon via Borabue, Maha Sarakham et Roi Et. La distance totale à parcourir est de 531 km.

  • En bus
    Des bus assurant la liaison entre Bangkok et Yasothon partent tous les jours du Terminal des bus Mo Chit 2 de Bangkok. Tél. : +66 (0) 29 36 28 52-66. Site Web : www.transport.co.th

  • En train
    Il n’existe pas de train direct à destination de Yasothon.
    Les visiteurs peuvent prendre un train jusqu’à Ubon Ratchathani, puis continuer le voyage en bus.
    Tél. : 1690, +66 (0) 22 20 43 34. Site Web : www.railway.co.th

  • En avion
    Il n’existe pas de vol direct à destination de Yasothon.
    Les visiteurs peuvent prendre l’avion de Bangkok à Ubon Ratchathani et continuer leur voyage en bus.

 

Sur Internet  :

  • Un extrait du film The Rocket, qui se passe pendant un festival

  • Le documentaire 360° Géo : une Fusée pour les dieux disponible ICI

Déroulement : l’exemple de Yasothon, la 2e semaine de mai

Si l’on recherche des informations sur le festival, on trouvera surtout des informations sur la région d’Isan car l’Office du Tourisme de la Thaïlande fait une importante promotion autour des célébrations à Yasothon, Roi Et et dans la province de Nong Khai où la fête s’est énormément développée.

En ville, les festivités s’étalent sur 3 jours  pendant lesquels on ferme l’artère principale de la ville : Jaeng Sanit Road. C’est là qu’auront lieu les festivités qui s’ouvert le vendredi avec des défilées de majorettes et de clubs sportifs jusqu’au soir où commence d’autres performances comme le Mor Lam, un style de chants populaires du peuple Lao ainsi que d’autres festivités plus alcoolisées. Les rues attenantes sont elles aussi envahies mais par le marché local où vous pourrez trouvez tous les produits de la région et bien sûr quelques pétards.

Le lendemain commencent alors les défilés des musiciens et des danseuses en tenues traditionnelles. C’est plus d’une vingtaine de groupes qui concourent ce jour là, devant un jury note les performances artistiques de chacun : c’est la compétition du Hae Bangfai Ko. C’est un spectacle très amusant et particulièrement varié où chacun à son propre thème, mélangeant pas traditionnels, moments humoristiques ou encore parades de chars les fameux Bangfai Ko. Faites alors attention aux têtes de Nagas équipés de pompes à eau et qui arrosent les spectateurs ! L’un des thèmes principaux du Hae Bangfai restera toujours la légende de Phadaeng et Nang Ai, et le couple choisi chaque année pour les incarner sont en quelque sorte le roi et la reine du festival. En fin d’après-midi, alors que le cortège à rejoint le wat (temple), les professionnels laissent la place aux villageois qui danseront toute la nuit. Enfin, on apercevra tout au long de la journée de nombreux symboles phalliques parmi la foule comme sur les chars, rejoignant ici la symbolique originelle du festival : la fertilité.

Le dimanche, c’est enfin le moment tant attendu du lancé de fusé au parc Suan Phaya Thaen, une compétition qui s’étalent sur la journée entière avec un tir toutes les 10 min environ, le temps pour les nouveaux concurrents de s’installer. En fin d’après-midi quand le concours s’achève, les festivités reprennent et ce clôture ensuite par un grand feu d’artifice.

Légendes associées

 

Plusieurs légendes sont associées à cette événement notamment celle de Phadaeng Nang Ai (ผา แดง นาง ไอ่ en Thai) au Nord de la Thaïlande. Elle nous raconte les origines du lac Nong HanKumphawapi dans la région du Udon, de la princesse Nang Ai et de deux princes. Une histoire que vous pouvez plus tard sur le Blog.

Toutefois cette histoire est très ancienne et n’explique pas comment la fête des fusées s’est associée au Bouddhisme. En découle alors un nouveau conte avec un Bouddha né crapaud. Celui-ci avait élu domicile sous un grand arbre et n’en informa pas Phaya Than, dieu de la Pluie. Il n’apprécia pas cette cachoterie et lorsqu’il découvrit l’affaire, il en fut furieux. Il refusa alors de faire pleuvoir pendant 7 longs mois et une sécheresse mortelle s’installa. Les survivants décidèrent alors de demander conseil au Bouddha. Il suggéra d’abord d’envoyer Phangki, le Naga (un serpent géant dont la description sera bientôt disponible). Mais celui-ci même s’il se battit vaillamment ne pu pas grand-chose face au dieu. En réponse le Bouddha envoya Phaya Dtaw et Phaya Dtan, toujours en vain… Le crapaud fit alors appel aux termites qui construisirent des terriers jusqu’au ciel pour que les mille-pattes et les scorpions atteignent le dieu. Alors que les termites grignotèrent rapidement les armes de bois de Phaya Than, le reste de l’armée l’assailli et, le dieu s’avoua vaincu… Sous trois conditions :

  • Les hommes devront envoyer des messages et offrandes vers le ciel pour demander la pluie

  • Lorsque le crapaud chante, c’est qu’il a assez plu

  • Si le dieu entend un seul tir de flèche, il cessera immédiatement d’offrir la pluie

Voilà donc comment le bouddhisme fusionna avec le Boun Bang Faï, où, le nom d’un contrat passé entre un dieu et les hommes.

Motif du Bun Bungfai © Pleamir
Bangfai Ko © Pleamir
Un exemple de symbole de fertilité du festival © Pawyile
Pha-Dang et Nahng Ai © Pawyilee
Phaya Thaen © Pleamir
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